Francis Ponge


" Le monde muet est notre seule patrie"

Francis Ponge
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« Tout à coup, le Temps, l’Écoulement, le Rythme, seraient premiers ; l’espace, la lumière ne viendraient qu’ensuite comme apparence et qualités secondes ; la lumière n’étant que les yeux brillants du Temps, du Temps noué en fruits, en astres, provisions de temps futur, d’avenir, de vie. »

Francis Ponge, L’asparagus, 1963.

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« À partir du moment où l’on considère les mots comme une matière, il est très agréable de s’en occuper. Tout autant que peut l’être pour un peintre de s’occuper des couleurs et des formes. Très plaisant d’en jouer. (…) Par ailleurs, c’est seulement à partir des propriétés particulières de la matière verbale que peuvent être exprimées certaines choses - ou plutôt les choses. (…) S’agissant de rendre le rapport de l’homme au monde, c’est seulement de cette façon qu’on peut espérer réussir à sortir du manège ennuyeux des sentiments, des idées, des théories, etc. »

Francis Ponge ;  Pratique d’écriture ou l’inachèvement perpétuel ; 1954

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« PROÊME. - Le jour où l'on voudra bien admettre comme sincère et vraie la déclaration que je fais à tout bout de champ que je ne me veux pas poète, que j'utilise le magma poétique mais pour m'en débarrasser, que je tends plutôt à la conviction qu'aux charmes, qu'il s'agit pour moi d'aboutir à des formules claires, et impersonnelles, on me fera bien plaisir, on s'épargnera bien des discussions oiseuses à mon sujet. »

Francis Ponge ; Méthodes ; 26 février 1948

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"Selon moi la fonction de la poésie, c'est de nourrir l'esprit de l'homme en l'abouchant au cosmos. Il suffit d'abaisser notre prétention à dominer la nature et d'élever notre prétention à en faire physiquement partie pour que la réconciliation ait lieu."

Francis Ponge ; La fontaine 
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L'huître

L'huître, de la grosseur d'un galet moyen, est d'une apparence plus rugueuse, d'une couleur moins unie, brillamment blanchâtre. C'est un monde opiniâtrement clos. Pourtant on peut l'ouvrir : il faut alors la tenir au creux d'un torchon, se servir d'un couteau ébréché et peu franc, s'y reprendre à plusieurs fois. Les doigts curieux s'y coupent, s'y cassent les ongles : c'est un travail grossier. Les coups qu'on lui porte marquent son enveloppe de ronds blancs, d'une sorte de halos.
A l'intérieur l'on trouve tout un monde, à boire et à manger : sous un firmament (à proprement parler) de nacre, les cieux d'en dessus s'affaissent sur les cieux d'en dessous, pour ne plus former qu'une mare, un sachet visqueux et verdâtre, qui flue et reflue à l'odeur et à la vue, frangé d'une dentelle noirâtre sur les bords.
Parfois très rare une formule perle à leur gosier de nacre, d'où l'on trouve aussitôt à s'orner.

F. Ponge, Le Parti pris des choses, 1942



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